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Les enseignants, dans toutes leurs capacités humaines ne peuvent être libérés pour des rôles plus tutoraux à l'égard de la diversité des élèves, enfants ou non, que par l'usage massif et bien maîtrisé des moyens multimédias et véritablement industriels de la communication. Déjà le livre libérait du maître et de la tyrannie possible du Maître unique, seule autorité : le gourou de jadis et naguère. Mais il libérait aussi le maître ou les maîtres pour des rapports plus conversationnels, plus conviviaux. Cela supposait d'ailleurs et entraînait la pluralité des livres que l'imprimerie avait permise en mettant fin au redoutable monopole du Livre, le livre unique à la fois prôné et dénoncé par la formule ambivalente de Thomas d'Aquin : "l'homme d'un seul livre me fait peur". L'auteur de la Somme craignait surtout, dans la controverse, la formidable assurance du dogmatique. D'autres, usant de sa formule même, y ont vu surtout, eux, le danger, pour le lecteur et pour sa sphère d'activité, de la monopolisation de sa pensée et ses actions par une seule source.
Le processus est en cours, non pour une relève du livre pas plus que du maître (ni relève des livres, ni relève des maîtres); mais pour une libération de la lecture et plus que jamais du maître par un recours à la machinerie de la communication, y compris par réseaux interlinguistiques et internationaux. Le libre accès individuel à la documentation et à la conversation rêvée par Raymond Lulle, Leibniz-Pangloss et les Encyclopédistes, un des rêves les mieux partagés de la vieille Europe, est en cours d'actualisation. L'appropriation oligarchique du savoir-faire, depuis longtemps véritable source des emprises et puissances sociales dominantes, est peut-être en cours de mise à la portée de toutes les bourses. Et c'est sans doute à cette profusion d'informations, qui peut devenir pléthore et saturation, que la formation devra désormais préparer par un douage spécifiquement dispensé et par des apprentissages-clés. Une recherche essentielle portera sur la découverte de ces apprentissages.
Au sein d'Eurotalent, des initiateurs russes, précoces dans ce sens, ont marqué la réflexion internationale au sein d'Eurotalent et les réalisations dépendent essentiellement d'une logistique appropriée.
Un point à souligner à partir de ce qui précède est que la spécialisation des modes de formation suivant les douements et surdouements variés ne peut pas aller sans un progrès dans la socialisation pédagogique des travaux individuels, dans l'apprentissage de leur coordination et de leurs complémentarités, dans la mutualité des services au sein des groupes d'enfants, d'étudiants ou de stagiaires.
C'est dire aussi que la conception pluridimensionnelle du surdouement ne peut que prendre de l'ampleur et intervenir dans la régulation de l'émulation entre les élèves ou étudiants et les groupes.
Certes un risque éducatif majeur tient toujours au caractère inadapté des prises en charge scolaires uniformément standardisées, impliquant pour tous les mêmes programmes, les mêmes rythmes de travail, les mêmes procédures pédagogiques et didactiques. Des constats d'inadéquation sont patents au niveau de l'école maternelle, de l'école primaire, du collège, du lycée et même de l'Université.
Mais c'est aussi l'ajustement mutuel, celui des apprenants entre eux, des enseignants entre eux et des uns avec les autres, ainsi qu'avec les organisateurs de ces ajustements, administrateurs et collaborateurs spécialisés, qui joue de plus en plus un rôle décisif dans le développement du système éducatif à la base, i.e. dans les établissements. Elle est la formation essentielle: sur le tas, mais spécifiquement organisée et enrichie d'échanges entre les sites. Plus haut, le même type de problème se pose, et sans doute avec d'autant plus de difficulté que les enjeux sont plus énormes.