EN QUOI LA RECHERCHE FONDAMENTALE ET APPLIQUÉE EST NÉCESSAIRE

 

On s'interrogera de plus en plus utilement sur les conditions psycho-sociales qui amènent les sujets à mettre en ¦uvre ou non leurs aptitudes, à les matérialiser par des réussites ou par des échecs constatés dans le champ multiple et changeant des activités humaines. Cette réflexion et donc cette recherche ne sont possibles que si l'on a reconnu l'indépendance initialement très forte du douement et du surdouement psychométriques, liés à l'appareil scientifique et professionnel correspondant.

La fonction d'utilisation des aptitudes (appelée aussi par certains d'entre nous fonction chrestique ou chrèse) concerne un fait propre à toute aptitude dans son fonctionnement. Pour aboutir à des capacités utiles à quelqu'un, et d'abord à leur porteur, elle passe par un processus interne : celui de l'interaction entre aptitudes et/ou de leur interutilisation. Le développement d'un enfant, d'un adolescent ou d'un adulte suppose l'usage que fait ou tend à faire une aptitude particulière (ou plusieurs) d'autres aptitudes de la personne. C'est ce processus, qui constitue le tissu même de la vie mentale intérieure, qu'il convient d'explorer, de connaître et d'aider. En effet la sollicitation des aptitudes qui assure seule leur entretien et leur croissance, vient à la fois de l'intérieur (endo-chrèse) et de l'extérieur (exochrèse). C'est là que se situe sans doute le domaine principal d'intervention pédagogique et "sociopsycho-pédagogique".

Action de développement du douement, délibérée et systématique, le douage, déjà nommé ci-dessus, s'exerce à partir d'actions conscientes de la personne, pilotées avec l'aide appropriée. Il vise à renforcer chez chacun l'actualisation de ses aptitudes fondamentales, source possible indispensable de capacités et de compétences constituées. C'est d'abord l'organisation même de l'interaction entre les aptitudes qui est visée. Ainsi le développement de l'intelligence cognitive dans un sens créateur n'est pas possible en général sans le développement conjoint d'une activité imaginative qui tourne plutôt autour de rêves ou rêveries, tout aussi indispensables que la logique armée de méthodes et de machines. Elle n'est pas davantage possible sans un recours systématique à une psychologie théorique, expérimentale et pratique de la volonté comme il ressort notamment des recherches du Groupe Emprise de SocioPsychologie, Action Recherche Education (GESPARE), Association membre dont relèvent certaines idées exposées ci-dessus.

Les sources d'inspiration d'Eurotalent ont évidemment beaucoup profité des colloques ou congrès internationaux, organisés par Eurotalent ou par d'autres, de la réflexion et de l'expérience de terrain depuis longtemps engagées en Europe du Nord et du Sud, de l'Ouest et de l'Est, articulée aux efforts des autres continents, du Québec et de l'Ontario aux Etats-Unis et aux autres Amériques ainsi qu' aux autres parties de l'Ancien Continent, africain ou asiatique.

La science du douement et de son passage à l'acte est un domaine de recherche insuffisamment approfondi. Les productions culturelles sont sans cesse nouvelles. Faute de certaines recherches fondamentales génératrices d'applications, les acquis courent le risque de se figer et de ne plus être ajustés au tissu socio-culturel en évolution permanente.

Le caractère interdisciplinaire des recherches est actuellement manifeste. Il requiert des collaborations qui vont de la physiologie, notamment neurologique à la sociopsychologie. Ce sont là des domaines, en général, désastreusement dissociés.

Peut-être l'expérience de l'intervention sur le terrain, concernant ces problèmes pratiques, est-elle la meilleure des sollicitations pour susciter les collaborations entre partenaires scientifiques, grâce au catalyseur associatif des entreprises communes.

Eurotalent ne s'occupe pas uniquement des enfants, mais c'est quand même pour nous un centre d'intérêt essentiel. Si de nombreux maternages scientifiques se disputent l'enfant, la mère la plus authentique sera toujours celle qui ne le coupe pas en morceaux. Tel est le jugement de Salomon, rendu il y a près de trois mille ans, selon une méthode sociopsychologique expérimentale déjà pleinement fondée. Comme pour toute bonne expérimentation, elle supposait une théorie de derrière la tête : en l'occurrence un modèle de l'homme. Tout un côté de la nature humaine (en l'occurrence encore, à travers la femme), montre bien que l'amour est généreux et fait préférer l'autre à soi-même et à ses propres calculs d'intérêt, y compris celui de la possession de l'enfant. L'amour fait donc préférer l'enfant à ses éducateurs par ses éducateurs adultes eux-mêmes. Vieille leçon concernant une vocation irremplaçable, qui va des parents et des puériculteurs aux universitaires.

Socrate (Platon, Ménon) montrait que le premier enfant venu, fût-il un esclave étranger, était suffisamment doué en mathématiques pour démontrer le théorème de Pythagore, et fondait aussi une sociopsychologie cognitique et expérimentale bien moderne et prometteuse. Surtout si on la compare à certaines courbes en cloche obstinément racialistes et qui se prétendent et se croient scientifiques par l'exhibition de quelques marques extérieures insuffisamment raisonnées, d'une technicité supposée probabiliste. Socrate, expérimentant avec un seul sujet pour tout échantillon, était plus convaincant.

De la même façon et près de 500 ans avant, Salomon était un théoricien et un expérimentaliste d'envergure, un des tout premiers que l'histoire atteste et à l'Ecole de qui nous ayons pu aller. C'était une école avec travaux pratiques, et -comme toute école- c'était d'abord une école de droit : ne serait-ce que le droit pour tout enfant d'être formé et enseigné et donc le devoir pour tout adulte de respecter et de faire respecter intégralement ce droit. Comme tout droit efficace, il n'est que le prolongement et le renforcement d'une spontanéité naturelle, préparée par des milliers de millénaires d'évolution, et qui est celle de l'amour parental.